La
modularité de la production concerne une série d'activités allant de l'innovation à la vente du produit et s'oppose au système de production verticale intégrée.
Apparition de la production modulaire
« La rupture entre les années 1980 et notre époque vient de la fragmentation [des] fonctions de production, sous-traitées les unes après les autres par les grandes marques […]. Tout le long du processus, les liens de propriété sont remplacés par des liens contractuels entre entreprises indépendantes. »
(Berger, S.,
Made in monde. Les nouvelles frontières de l'économie mondiale, Paris, Seuil, 2006, p. 86)
Les entreprises fragmentées et spécialisées ressemblent à maints égards à l'économie américaine du début du XIX
e siècle, avant l'apparition des très grandes entreprises à intégration verticale (fordisme). Auparavant, les entreprises devaient se lier par contrat à de nombreux fournisseurs de biens et de services, ou à d'autres entreprises pour la logistique et la distribution.
Modèle japonais de lean production et de sous-traitance
Dans les années 1980, le cycle du produit est raccourci. L'entreprise japonaise devient le modèle à suivre (organisation moins hiérarchisée, fondée sur la fidélité et la confiance, la flexibilité, le « juste à temps »), modèle qui permet de vendre à des prix raisonnables toute une gamme de produits nouveaux et variés.
La sous-traitance soulage les entreprises du poids de l'investissement et des risques de surproduction. Les entreprises adoptent donc un système de
production modulaire, et sous-traitent de plus en plus d'activités liées à des étapes différentes du processus de production.
Généralisation du modèle
Parallèlement, plusieurs avancées technologiques permettent, vers le milieu des années 1990, aux entreprises à organisation verticale intégrée de s'adapter au nouvel environnement.
« L'intégration des différentes étapes, de la définition d'un produit à sa commercialisation, peut se dérouler sans heurts avec un minimum de coordination humaine (en théorie, du moins; la réalité est souvent loin de cet idéal). La
modularisation et la
fragmentation de la production permettent désormais des résultats égaux ou supérieurs à ceux de l'intégration verticale, et souvent à moindres frais. […]
Il ne s'agit pas seulement de réduire les coûts. La
modularisation permet aux innovateurs de lancer rapidement de nouvelles firmes en se spécialisant dans la fonction qu'elles maîtrisent le mieux et en achetant le reste. »
(Berger, S.,
Made in monde. Les nouvelles frontières de l'économie mondiale, Paris, Seuil, 2006, p. 179)
Ampleur et limites du phénomène
« La
production modulaire est présente dans de nombreux secteurs industriels : l'automobile, le textile, l'habillement, l'électronique, l'informatique… »
(Mouhoud, E.,
Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris, La Découverte, 2006, p. 27)
« La séquence de production ne peut se modulariser quand des formes de collaboration plus étroites et plus intimes sont nécessaires pour profiter des connaissances tacites des participants. Les relations personnelles et directes sont alors indispensables. Les activités non modulaires sont donc moins susceptibles d'être délocalisées. Quand elles deviendront plus modulaires (si cela arrive un jour), soit parce que de nouvelles technologies permettront aux informations jusque-là échangées entre individus d'être transcrites dans des logiciels, soit parce qu'il deviendra rentable de fabriquer des produits moins complexes, alors ces opérations seront davantage sujettes au transfert à l'étranger »
(Berger, S.,
Made in monde. Les nouvelles frontières de l'économie mondiale, Paris, Seuil, 2006, p. 266)
Point de vue critique
ATTAC dénonce la
division internationale des processus productifs et signale que les deux tiers du commerce mondial relèvent du commerce d'entreprises à entreprises et non pas du commerce entre entreprises et consommateurs. Les règles de l'Organisation mondiale du commerce « conduisent souvent les entreprises à produire dans les pays qui offrent les coûts (travail et environnement) les plus bas. Elles façonnent donc une
division internationale des processus de production qui dilate très fortement les échanges soit entre les filiales de la même entreprise multinationale, soit entre deux multinationales différentes. Cette division internationale de la production n'est pas soutenable, à terme, ni socialement (déflation salariale et chômage), ni écologiquement (multiplication des transports par fractionnement de la production et choix des pays écologiquement les "moins-disants"). »
(Lecourieux, A., ATTAC,
« L'OMC en crise », 2006, consulté le 10-05-2010)