L'
entreprise multinationale peut revêtir une grande variété de formes, mais d'une manière générale, elle se définit comme le réseau des entreprises, implantées dans plusieurs pays, qu'elle possède ou contrôle.
« Les motivations principales des entreprises qui investissent à l'étranger sont de trois ordres :
- La possibilité de prendre le contrôle de la production de matières premières nécessaires à son activité dans le pays d'origine;
- La possibilité d'augmenter son chiffre d'affaires en prenant pied sur un marché qu'elle pourra alimenter, en produisant localement des produits meilleur marché que ceux qu'elle aurait exportés depuis son pays d'origine;
- Une rentabilité attendue de cet investissement supérieure à celle des investissements dans le pays d'origine. »
(Ghorra-Gobin, C.,
Dictionnaire des mondialisations, Paris, Armand Colin, 2006, p. 166)
Poids des investissements étrangers directs
« [L]'investissement étranger direct (IED) constitue un facteur très important dans cette conjoncture, car c'est l'une des forces principales d'impulsion du pouvoir sans cesse croissant des
EMN. L'IED implique plus que l'établissement d'une
multinationale dans un pays. Elle inclut une variété large et complexe d'investissements, de spéculations et de programmes de coopération. L'IED peut se traduire par l'achat du contrôle d'entreprises déjà établies, notamment des entreprises publiques privatisées, des co-entreprises avec des entreprises nationales ou d'autres
EMN, des consortiums associant plusieurs entreprises ou d'autres programmes de coopération, notamment des accords de concession de licences et des accords d'exploitation. »
(Confédération internationale des syndicats libres,
Guide syndical de la mondialisation, Bruxelles, CISL, 2001, p. 48)
Ampleur du phénomène
« On estime aujourd'hui que les
multinationales assurent les deux tiers du commerce mondial et que le commerce entre les
multinationales et leurs filiales représente le tiers environ des exportations mondiales. »
(Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation,
Une mondialisation juste : créer des opportunités pour tous, Genève, Bureau international du travail, 2004, p. 34, consulté le 16-05-2010)
Le décompte exact des
multinationales ou des
transnationales est rendu compliqué par les montages juridiques et financiers (par le biais de sociétés-écrans ou de filiales) qui en accroissent ou en réduisent le nombre en fonction des intérêts du moment, ainsi que par le jeu des fusions de sociétés nationales.
« Dans son rapport annuel de 2005, la CNUCED [Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement] en dénombrait environ 75 000 (contre 7 000 à la fin des années 1960), contrôlant plus de 800 000 filiales dans le monde. Un tiers du commerce mondial est réalisé entre filiales d'une même
transnationale (par exemple, Ford commerce avec Ford localisé dans un autre pays), un autre tiers entre différentes
transnationales.
Si la grande majorité de ces
EMN sont originaires des pays industrialisés, celles [qui sont] issues des pays en développement, et en particulier des pays émergents, sont de plus en plus nombreuses : elles représentaient seulement 7 % des
EMN au début des années 1990, contre environ 20 % en 2005. »
(Baudrand, V. et G. M. Henry,
Comprendre la mondialisation, Paris, Studyrama, 2006, p. 149-150)
Choix terminologique : multi- ou transnationale?
L'usage varie énormément lorsqu'on parle des entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs pays.
- Le Bureau international du travail (BIT), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation mondiale du commerce (OMC), par exemple, utilisent le terme neutre d'« entreprise multinationale ».
- Par contre, les Nations Unies utilisent le terme « société transnationale » depuis les années 1970 et ont même créé une commission (incluant les entreprises, les ONG et les syndicats) dont le mandat était d'élaborer le Code de conduite des sociétés transnationales des Nations Unies, mais il ne fut jamais adopté. La CNUCED reprend l'appellation « société transnationale », en concordance avec le « degré de transnationalité » qu'elle a défini pour son classement des plus grandes entreprises du monde.
- La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) utilise les deux termes, même si dans son Guide syndical de la mondialisation, c'est le terme « entreprise multinationale » qui est uniformément retenu.
Distinctions entre mondiale, transnationale et multinationale
Certains économistes opposent l'entreprise mondiale à la
société multinationale ou à la
transnationale. L'entreprise mondiale entretient des relations avec des sous-traitants tout en restant centralisée autour de son siège social. Elle développe et retient ses compétences au centre et n'éprouve pas le besoin de détenir des infrastructures à l'étranger.
Par opposition, la
transnationale développe ses unités de production conjointement avec ses partenaires d'affaires à l'échelle mondiale ou régionale et les partage avec eux.
Selon ce critère de la détention des compétences et des unités de production, la
multinationale est à mi-chemin puisqu'elle développe ses compétences et ses unités de production dans de nombreux pays, mais les retient dans ses divisions.
Logique organisationnelle et coordination des filiales
« Les
multinationales peuvent développer des stratégies de répartition de leurs activités dans différents pays selon une logique "multidomestique" ou d'adaptation des produits aux spécificités locales. Entre 1950 et 1980, la multinationalisation des firmes a principalement reposé sur cette logique [...] visant l'exploitation des avantages technologiques des pays d'origine. Elles ont donc créé des filiales relais opérant sur le marché local avec les mêmes procédés et les mêmes technologies que ceux de la maison mère. […]
Les formes de coordination des filiales spécialisées par produits adaptés à la demande locale reculent au profit de la constitution d'unités regroupant des compétences spécifiques selon une logique horizontale. […] La tendance des
multinationales à accroître la coordination transversale des produits a conduit à une relative indépendance des filiales en tant que divisions de produits : celles-ci peuvent alors être cédées. »
(Mouhoud, E.,
Mondialisation et délocalisation des entreprises, Paris, La Découverte, 2006, p. 27-28)
L'analyse critique d'ATTAC
« Les différences de coûts salariaux, des législations du travail moins protectrices des salariés, une législation environnementale peu contraignante et des régimes fiscaux plus avantageux incitent les
firmes multinationales à délocaliser leurs activités vers les pays qui leur offrent ces avantages.
L'entreprise globalisée [sic], dépourvue de personnalité juridique, échappe au droit international qui régit les relations entre États et aux droits nationaux confinés par les frontières géographiques. Elle joue des différences de législation et de coût du travail pour décider de l'implantation de ses filiales. […] Par le mécanisme des prix de cession internes entre les entreprises de son réseau, la
firme transnationale fait apparaître ses gains dans un lieu favorable à ses actionnaires ou dans un paradis fiscal. [...]
Les
firmes multinationales sont supposées contribuer de façon positive au développement des pays dans lesquels elles choisissent de s'implanter. La réalité est tout autre. Toutes les études de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) montrent que le montant des impôts payés par les
firmes transnationales aux États est en diminution constante. De plus, les investissements et les choix de production ne correspondent pas forcément aux besoins des pays d'accueil. Bien souvent, ils aboutissent à la marginalisation ou à la destruction des productions locales, par exemple de l'agriculture vivrière. La diffusion des techniques et du savoir-faire n'est pas nécessairement réalisée et ne bénéficie [...] pas au pays d'accueil. Enfin, ces
firmes multinationales ont acquis un pouvoir économique si important qu'il dépasse bien souvent celui des États dans lesquels elles sont implantées; le manque de transparence de leur comptabilité prive le gouvernement de tout contrôle du volume et de la valeur de leur production, alors que le pays d'accueil est censé percevoir les taxes d'exportation prévues par contrat. Elles peuvent largement mettre en échec les politiques économiques de ces pays lorsqu'elles ne les approuvent pas. […]
Pour donner une idée du poids de certaines firmes, le premier pétrolier mondial Exxon-Mobil a réalisé en 2005 un bénéfice de 36,13 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 371 milliards de dollars : dans le monde, 125 pays ont un produit intérieur brut inférieur à ce chiffre d'affaires. »
(Attac,
Le Petit Alter, dictionnaire altermondialiste, Paris, Mille et une nuits, 2006, p. 155-157)